\begin{flushright} \textbf{PRÉFACE} \end{flushright} Armando Palacio Valdés est un des romanciers les plus connus de l'Espagne. Ses œuvres ont été traduites dans la plupart des langues européennes, et l'une d'elles, Maximina, a eu le rare bonheur d'être tirée aux États-Unis à deux cent mille exemplaires. Après l'Amérique du Nord, c'est en Angleterre que Palacio Valdés compte le plus d'admirateurs. On s'y sert d'un de ses romans pour enseigner l'espagnol dans les écoles. C'est pourquoi quelques-uns de ses compatriotes l'accusèrent, quand il commença de publier ses sentiments aliadophiles, de ne faire que rendre aux Alliés ce qu'il leur devait de gloire et d'argent. Il suffira de parcourir ce livre-ci pour voir combien cette accusation est peu fondée. En France, plusieurs ouvrages de Palacio Valdés ont paru en feuilletons dans nos grands quotidiens: le Capitaine Ribot, au «Gaulois», la Sœur Saint-Sulpice, au «Matin»; la Famille Bellinchon, au «Temps»; des extraits des Papiers du docteur Angélique, au «Journal des Débats». On verra tout à l'heure qu'il s'en faut beaucoup que nous ayons tout traduit du grand romancier. Il y a dans son œuvre plusieurs romans dont il est regrettable que nous n'ayons pas d'édition française. \horizontalLine Armando Palacio Valdés est né en 1854, à Entralgo, petit village des montagnes asturiennes. Il y demeura très peu de temps, ses parents ayant dû trans\-férer leur résidence à Avilès, une des petites villes maritimes de la même région; mais il revint chaque année avec eux passer les mois d'été à Entralgo. Il eut une enfance heureuse, remplie tour à tour de jeux marins et rustiques. Les souvenirs de cette période de sa vie et de ces lieux ont inspiré à Palacio Valdés l'Idylle d'un malade et le Village perdu, romans de mœurs asturiennes, dont le second est peut-être l'un des plus originaux qu'il ait écrits. A Oviedo, capitale des Asturies, où il alla faire ses études, le jeune Valdés se lia d'étroite amitié avec Leopoldo Alas, son condisciple, qui devait devenir sous le pseudonyme de «Clarin» l'un des meilleurs critiques littéraires espagnols des dernières années du siècle passé. Son «bachillerato» terminé, Palacio Valdés s'en fut à Madrid pour faire son droit. Cette étude le passionna. Pour s'y livrer avec plus de profit et plus d'application, il se fit recevoir de l'Ateneo, sorte de cercle qui comprend à Madrid tous les jeunes hommes aimant la science, les arts ou la littérature, et dont la bibliothèque est très riche. Palacio Valdés y dévora les traités de philosophie, d'histoire et surtout d'économie politique. A ce moment-là, son désir le plus vif était d'être un savant professeur. Il fut bientôt élu secrétaire de la section des Sciences morales et politiques de l'Ateneo. \horizontalLine Cependant Palacio Valdés avait achevé son droit. Il commença d'écrire et, chose curieuse chez un homme qui devait être un si abondant et si gracieux conteur, c'est par des articles de philosophie religieuse qu'il débuta dans les lettres. Ces articles furent remarqués. Ils valurent à leur signataire d'être nommé rédacteur en chef de la Revista Europea, la revue scientifique la plus importante alors en Espagne. Palacio Valdés n'avait que vingt-deux ans. Voulant donner plus d'attraits à sa revue, le nouveau directeur eut l'idée d'y publier des portraits littéraires humouristiques des principaux orateurs, romanciers, poètes et savants espagnols. Il prit à tracer ces portraits le goût d'écrire et, poussé d'ailleurs à le suivre par le succès de ses premiers écrits, il entreprit un roman. Commencé à Madrid, Monsieur Octave fut terminé à Entralgo. Il parut dans les derniers mois de 1880. C'est avec Marthe et Marie, trois ans plus tard, que Palacio Valdés atteignit le grand public. Le grand romancier, qui est très modeste, dit qu'il doit le retentissant succès de ce livre au dessinateur qui l'illustra et à l'éditeur qui le mit en vente à un prix modique. En tout cas, Palacio Valdés était en pleine fortune: le directeur de la Revista Europea était heureux, le romancier l'était aussi, l'homme allait l'être; il se maria. L'Idylle d'un malade est de cette époque. Il fut bientôt suivi de José et d'un recueil de contes intitulé Eaux-fortes, qui consacrèrent définitivement la réputation de l'auteur. Ainsi tout souriait à Palacio Valdés. Il terminait Riverita, histoire romanesque de sa propre vie, quand il perdit sa femme. Maximina, qui parut bientôt après, est composé en grande partie en son souvenir. Riverita et Maximina se font suite: c'est lui et elle. Avec le Quatrième pouvoir (1888), Palacio Valdés cesse de se conter lui-même. C'est le récit des luttes politiques dans un petit pays; mais ici encore l'action se passe dans un milieu auquel le romancier est étroitement attaché; la ville de Sarrio, de ce roman, n'est autre que Gijôn, la seconde grande ville des Asturies. Cette même année, Palacio Valdés fit un voyage en Andalousie. Il en rapporta la Sœur Saint-Sulpice (1889), roman de mœurs andalouses d'une exquise gaieté, qui répandit son nom dans le monde entier. Puis ce fut l'Écume, satire de l'aristocratie espagnole, la seule de toutes ses œuvres où Palacio Valdés, abandonnant son naturel idéaliste, ait sacrifié aux théories littéraires alors dans toute leur force, celles de l'école naturaliste. Jusqu'alors il avait donné chaque année un roman. Dans la suite il mit moins de régularité dans sa production. La Foi, le Chevalier, l'Origine de la pensée, la Joie du capitaine Ribot, les «Majos» de Cadix, le Village perdu, Tristan ou le Pessimisme parurent ainsi successivement. Quelques années avant la guerre Valdés recueillit sous le titre de les Papiers du docteur Angélique des contes philosophiques et scientifiques, écrits dans l'intervalle de ses autres ouvrages. La Guerre injuste qu'on va lire est l'ensemble des articles qu'il publia dans le grand journal madrilène El Imparcial. Ajoutons enfin qu'une revue espagnole, Revista quincenal, publie en ce moment un nouveau roman de notre auteur: Années de jeunesse du docteur Angélique. Telle est l'œuvre de Palacio Valdés. Quant à l'homme, il est d'une modestie, d'une bonne humeur, d'une libéralité d'âme, d'une richesse d'esprit, qui font de sa société un délice. Que ce soit à Madrid, dans nos Landes où il passe d'ordinaire l'été, il vit seul, lisant beaucoup ou se promenant. Il n'écrit que s'il lui plaît ou s'il a vraiment besoin d'exprimer des idées qu'il croit utile de répandre. De là le retentissement en Espagne des articles qu'il écrivit sur la guerre. Nous devons à leur auteur la conversion de beaucoup de nos voisins à notre cause. Qu'il en soit ici publiquement remercié. \begin{flushright} ALBERT GLORGET. \end{flushright}